La seconde thérapie

En juin 2021, pour la première fois de toute notre vie commune, il avait invité sa mère chez nous. Sa santé mentale déclinant, il avait envie de voir par lui-même dans le quotidien quelles étaient ses capacités afin de pouvoir évaluer le problème. Cependant avoir sa mère trois semaines chez nous le mettait dans un tel état de stress qu’il s’en prenait à moi. Il y eu ce jour où il me reprocha de n’avoir pas fini d’installer la clôture de notre jardin, alors que j’avais commencé la veille, enchaînant sur le fait que j’étais une incapable et que je ne finissais jamais aucun de mes projets. Lorsqu’on a comme moi écrit plusieurs livres, mis en place des ateliers, des conférences, des émissions de radio… On ne peut que prendre de plein fouet tout le mépris que l’autre pense de nous, le manque d’estime pour ce qu’on fait et de reconnaissance de ce qu’on est. C’était une goutte de trop, et je m’isolais pour pleurer et parler à ma mère et ma sœur et pour leur dire que je craquais, que je n’étais pas sûre d’avoir envie de continuer dans ce couple. Me voyant au téléphone, il pensa que je mettais en place un nouveau projet d’adultère, et pris la décision de ne plus me parler ni même m’effleurer dans la maison… ce qui dura les 8 mois suivants.

Comme je l’expliquais, mes moments préférés de l’année étaient les vacances car c’étaient les seuls moments où je ressentais de la proximité et du partage avec lui. Eh bien cette année là, en juillet et août, il passa nos 3 semaines de vacances d’été à me bouder même pendant nos voyages. Il ne relâcha jamais son attitude, ni devant ma bonne humeur habituelle, mes sourires, mes bras tendus, mes enthousiasmes lors des visites de villes, de restaurants ou de musées…

Je fini par le supplier de reprendre avec moi une nouvelle thérapie sur le long terme. Nous la commençâmes début septembre.

Des séances qui tournent au cauchemar

Dans un souci de repartir à zéro de façon neutre, je ne choisi pas la psychologue qui nous avait vu la première fois. Je pris une thérapeute en ligne. Lors de la première séance, à deux, nous fûmes invités a exprimer nos attentes de la thérapie. J’expliquais que je n’arrivais pas à entrer dans la bulle de mon mari, que j’avais l’impression de sans cesse graviter autour, sans parvenir à connecter avec lui et à ressentir autre chose que du rejet. Je souhaitais une relation complice avec des attentes somme toute assez classiques : de la tendresse et du partage. On était vraiment loin des petit conflits de couple superficiels du type “l’autre ne range pas ses chaussettes”. J’expliquais son désinvestissement au niveau familial et combien cela me faisait souffrir. Nous parlâmes du fait que j’avais été infidèle. Mon mari, lui, exprima le fait qu’on n’avait rien en commun, qu’il trouvait mes centres d’intérêt tels que la spiritualité naïfs, que au niveau alimentaire je suivais les préceptes d’un gourou…

La thérapeute nous pris ensuite en privé chacun de notre côté. Je la vis en premier et lui parlais de ma suspicion d’un terrain hypersensible et peut-être autistique chez mon époux et de combien je voulais apprendre à réagir et qu’il apprenne à voir ses propres troubles et à se protéger plutôt que de rejeter le monde entier. De son côté, il expliqua que c’est mon attitude de mère étouffante avec des choix bizarres tels que l’école à la maison qui faisait qu’il ne s’investissait pas et n’avait pas sa place au sein du foyer. Ce sur quoi la psychologue me revit brièvement en privé pour me dire qu’en effet mes choix étaient un peu surprenants et que peut-être c’était moi qui, en mère poule, refusait qu’il s’investisse. Je dû me justifier, réexpliquer que notre fils était autiste et que c’est ce qui avait motivé notre choix malgré une inscription à la crèche avant sa naissance, et que j’avais choisi l’instruction en famille car je connaissais cette possibilité, ma propre mère l’ayant fait pour nous quelques années quand nous vivions en Afrique. Mon mari ayant déménagé en Suisse afin de rendre cela possible, il m’avait semblé qu’il était d’accord… De plus, si j’étais si étouffante au point de ne pas laisser autrui s’occuper de mes enfants, pourquoi insistais-je pour qu’il le fasse, ou laissais-je mes amies ou notre ami de fac s’en occuper dès qu’ils le proposaient ? J’étais sidérée.

A la séance suivante il se contredit et revient spontanément sur ses paroles en expliquant que l’école à la maison était le meilleur choix pour notre fils. Il admit ne pas s’investir, mais à présent il disait que c’était suite à une forme de vengeance inconsciente dû au fait que ça n’allait pas entre lui et moi. Dix années de désinvestissement face à ses enfants, qui en payaient le prix… Je me demandais si c’était possible, en dehors de la possibilité d’un handicap, d’avoir aussi peu de résilience ! Il admit même que la thérapeute avait raison lorsqu’elle lui dit que c’était de l’immaturité. Mais il ajouta que j’étais une manipulatrice et qu’il trouvait que cette thérapie était une scène de théâtre pour moi. Ce avec quoi, heureusement, la thérapeute n’était pas d’accord…

A chaque séance, il pointait une chose différente qui n’allait pas chez moi. Lorsque j’essayais de faire entendre le fait qu’il avait une forme d’hypersensibilité, il me parlait de façon dure et froide en me disant trouver détestable cette façon que j’avais de lui mettre une étiquette, moi qui n’avait pas fait d’études de psychologie. Je lui rappelais là encore, que c’était une théorie bienveillante pour nous donner des pistes et nous aider et qu’en aucun cas je ne le dégradais ni ne l’insultais.

J’étais effondrée. Chaque semaine il avait quelque chose à me reprocher, dont il se plaignait tout au long de la semaine puis qu’il exprimait au moment de la séance de thérapie. A chaque séance, je déchantais. J’étais choquée qu’il puisse dire de telles choses sur moi, qui plus est sans retenue face à une autre personne. Tout cela en sachant que jamais je ne le descendais. Je prenais conscience de ce qu’il gardait à l’intérieur de lui et j’en étais si bouleversée que je pleurais sans arrêt. Voyant la fin de notre union se profiler et ayant besoin de soutien, je commençais à en parler à certains de nos amis ; sachant qu’il y en avait deux qu’il avait lui-même mis au courant. Cela le mis hors de lui, nous eûmes donc une semaine de reproche suivie d’une séance de thérapie où, l’air d’être dans son bon droit et cherchant le soutien de la psy, il se plaignit a elle que j’ai osé en parler à nos amis. Ce à quoi je tentais d’expliquer que l’avantage c’est que nos amis le connaissent et donc ne vont pas le juger ou prendre parti, ce qui ne serait pas le cas avec mes amies ne le connaissant pas (il m’avait déjà fait mettre de la distance avec mon amie Caroline, pensant qu’elle avait une mauvaise influence sur moi, et prétendant qu’il ne voulait de toute façon avoir de lien avec aucune de mes amies étant donné tout ce que je devais leur dire sur lui sans qu’il puisse se justifier).

Une autre fois, me voyant nettoyer les oreilles de notre fille (chose que je faisais rarement et seulement en cas de forte nécessité, et dont, je dois dire, il ne s’était pas soucié ces 10 dernières années), il se focalisa là-dessus en m’interdisant de lui nettoyer les oreilles car je n’avais pas fait d’études dans ce domaine, que je n’étais pas ORL et que je ne me rendais pas compte des conséquences possibles, discussion qui dura toute la semaine puis qui fit notre séance entière de thérapie, à la fin de laquelle la psychologue nous dit qu’elle n’en pouvait plus et qu’elle avait mal à la tête à force de nous entendre. J’étais contente qu’elle nous voie avoir cette discussion stérile, car elle était représentative de toutes nos discussions : ça tournait en boucle, et tant que je ne faisais pas profil bas ça pouvait rester une discussion sans fin.

La psychologue essayait sans cesse de nous faire trouver des compromis, comme “aller voir un ORL ensemble pour trancher sur ce sujet”, hors ce n’était pas le fond du problème… Et, voyant que les choses n’avançaient pas, elle finit par décider de ne plus prendre que mon mari en privé.

Ouvrir définitivement les yeux

Elle essaya de lui apprendre à me faire des compliments. J’étais partie vivre quelques semaines chez mes parents avec les enfants pour finir l’année, afin soutenir ma sœur qui allait accoucher à cette période là. J’essayais de recevoir chaque liste de compliment qu’il m’envoyait avec gratitude. Mais ça me semblait triste et fade en comparaison de toute la spontanéité et la joie sincère dont faisait preuve mon ex-amant vis à vis de moi, même après 3 ans de communication. Cela me prouvait aussi qu’on peut m’apprécier même sur le long terme et ça me renforçait et me donnait confiance en ce que je valais.

Je pleurais énormément. Cette thérapie m’amenait à faire un véritable deuil, et c’était tout un pan de ma vie qui s’effondrait : le couple idéal, la vie de famille idéale, la situation financière et la maison idéale… Alors que trois ans auparavant j’avais été prête, j’avais nourri trop d’espoir entre temps, et la violence de la thérapie ne me laissais pas indemne.

Je fis une séance avec un voyant qui me dit que ma relation était stérile et que notre thérapie de couple ne fonctionnerait pas. Il sentait que mon époux me pliait les ailes et m’empêchait d’aller vers mon plein potentiel de vie. Selon lui, j’avais des messages à transmettre au monde, et si je restais dans ce couple, cela ne pourrait se faire dans toute son ampleur. Il me stupéfia en me disant sentir que j’avais eu un amant et que celui ci rodait toujours dans ma vie, ce qui était le cas ; et en m’annonçant que j’allais en avoir un autre, plus âgé que moi, mais que c’était peut-être plutôt dans l’âme. Il ajouta même que si je voulais absolument rester avec mon mari, on ferait le choix d’avoir une vie affective chacun de son côté. Après la séance, je m’effondrais en pleurs. Moi qui essayais tant de ressouder mon couple, de lui donner un nouvel élan et certainement pas de laisser entrer un nouvel homme, on me disait que ça ne marcherait pas, que c’était vain. J’avais l’impression d’être la seule à avoir désiré cette connexion affective et profonde entre lui et moi et de porter toute notre relation.