Mon premier mariage, coincée entre autisme et rejet.

Ce texte qui retrace notre parcours du début à la fin a été rédigé comme si je m’adressais directement à mon époux, à un moment où j’avais besoin de le faire pour évacuer ma souffrance. Je vous le livre tel quel.

Je t’aime pour ce que tu es. Je vois tes qualités. Tu es parfait tel que tu es. Mais notre relation ne me convient plus et j’ai besoin de dire stop. Stop au rejet, stop à la solitude.

Nous étions adolescents lorsque nous nous sommes rencontrés ; je n’avais que 16 ans et toi 15 lorsque nous avons décidé de nous mettre ensemble. Tu étais mon meilleur ami. Je me sentais sécurisée par ton intelligence et ta droiture. Nous résonnions l’un avec l’autre. Nous faisions du spiritisme, tu étais si ouvert aux expériences, aux discussions sur le sens de cette vie… A mes yeux, c’était toi et moi face au reste du monde, nous étions invincibles. Notre lien était ce qui donnais un sens à mon univers, moi qui était si «spéciale», tu étais le seul à me donner le sentiment d’être comprise. Tu m’admirais autant que je t’admirais. Tu me réconfortais et me soutenais face aux difficultés que j’avais vécu les années précédentes, un viol notamment, vécu à l’âge de 14 ans et ayant eu un impact fort dans mes relations affectives. Cependant, j’étais déjà en couple et j’avais mis trop de temps à quitter ce garçon, avec lequel j’entretenais une relation à distance laborieuse à 5000km de là, à une époque où internet était sporadique. J’avais souhaité le revoir pour rompre proprement. C’était stupide et maladroit de ma part et cela t’avait blessé.

Face aux difficultés de cette première demi-année de couple et de ta propre vie familiale, tu as changé. Je ne te sentais plus heureux à mes côtés. Nous n’avions plus nos belles discussions philosophiques d’adolescents, celles que j’aimais tant et qui m’avaient séduites. Tu t’es coupé de moi, de nos discussions philosophiques, de nos expériences de spiritisme. Nous sommes restés ensembles malgré tout, parce que j’y croyais pour deux, mais j’étais jeune, très immature et maladroite. Frustrée de ne plus avoir notre lien, je perdais pieds, je devenais jalouse pour un rien en me sentant te perdre, je m’acharnais et nous nous disputions régulièrement. Nous avons emménagé ensemble… Puis à mes 19 ans, je t’ai rendu ta liberté. «Je ne te sens pas heureux avec moi», t’avais-je dis simplement. «Je veux que tu sois au près de moi par choix et non par résignation». Je suis partie à contre cœur avec un camion de déménagement, en espérant que tu me retiennes. Tu ne m’as pas retenue.

Une poignée de mois plus tard tu m’as demandé de revenir. J’ai cru en toi. Par amour absolu pour toi, j’ai rompu sans hésiter une seule seconde avec le garçon que je m’étais mise à fréquenter. Je suis tombée enceinte à ce moment là, tu as souhaité que j’avorte mais ne m’a pas accompagnée dans le processus. Tu n’es pas resté à mes côtés non plus lorsque seule dans ma baignoire, j’en faisais une hémorragie.

La communication était toujours bloquée. Je nous sentais comme paralysés, avec une lourdeur qui planait au dessus de nous. Souvent, j’osais à peine te toucher ou faire le premier pas pour faire l’amour tant mon contact et mes initiatives étaient rejetées. J’attendais que tu viennes à moi et je ne te repoussais jamais.

Nous avons commencé à avoir un groupe d’amis proches, tes amis de fac. Face à eux, tu me traitais comme une amie plus que comme une compagne, sans jamais la moindre marque d’affection, pas même une main prise dans la tienne. Parfois tu étais même dur.

Premier enfant

Tu n’étais pas prêt à avoir un enfant lorsqu’à mes 23 ans je t’ai proposé d’en avoir, comme ma propre mère au même âge. Tu étais sans doute trop jeune. «Je ne te forcerais pas, t’avais-je dit ; entre avoir un enfant ou t’avoir toi, je te choisis toi. J’attendrais». Et ces mots durent te toucher et te convaincre car 9 mois plus tard, nous donnions naissance à notre fils.

Les débuts furent très difficiles. Je quittais mes études d’infirmière sans regret pour être à la maison avec cet enfant aux besoins intenses que je ne pouvais même pas poser, mais je m’en occupais seule et je déchantais. Tu ne passais pas plus de 10 minutes avec ton fils chaque jour. Tu ne le gardais pas dans tes bras, ne le berçait pas pour l’endormir, ne lui faisait pas prendre de bain, ni ne le promenait. Je n’avais aucun relais. Tu l’aimais, mais tu étais absent. Tu avais un cœur grand, bien sûr, je n’en doutais pas. Nous sommes devenus végans ensemble lorsqu’il avait 9 mois, j’y venais par passion pour la santé et toi par soucis écologique, et ce choix de vie nous rendis tout deux sensibles à la souffrance animale. Mais le blocage affectif persistait dans notre relation et s’étendait à notre fils. Comme tu étais hermétique à toute discussion sentimentale avec moi, j’exorcisais mon besoin de parler et ma peine en roman et je dessinais ma solitude en bande dessinée.

J’ai failli te quitter à nouveau, cette année là. Face à ton désinvestissement, j’avais l’impression d’être abandonnée, et ton attitude dure envers moi devant tout le monde avait poussé un ami de notre groupe à m’expliquer que selon ses études de psychologie, cela s’appelait de la maltraitance psychologique. J’étais malheureuse, mais je me disais que j’en étais responsable, que je méritais cette attitude. Après tout je n’étais pas parfaite, moi-même construite au travers de mes propres traumatismes non résolus. Nous nous blessions mutuellement. Dans mon désespoir, je réclamais trop fort une présence et un lien qui ne se réclament pas. Je ne te donnais sans doute pas envie de revenir vers moi. Et pourtant je voyais tellement de grandeur en toi. Je voyais aussi tes blessures, ta vulnérabilité, ton enfance difficile au près d’une mère peu présente et alcoolique avec laquelle tu avais récemment décidé de couper les ponts.

“Quoi qu’il arrive, je t’aime”.

Grâce aux discussions avec cet ami, je fis un véritable choix. Celui de me rappeler pourquoi je t’avais choisi et de rester à tes côtés. Notre fils avait à peine plus d’un an. J’eu un véritable déclic. Je tirais un trait sur un passé qui m’affectait encore en décidant d’écrire et rencontrer l’homme qui m’avait violée quelques années auparavant pour le pardonner, guérir mes insécurités et avancer. J’écrivis des lettres a d’autres personnes m’ayant fait du mal et eu des échanges qui me permirent de passer à une autre étape de ma vie. Ce que je ressentais pour notre fils m’ouvrit à une nouvelle vision du monde. Je découvris le minimalisme, qui opéra une révélation en moi, ainsi que l’alimentation frugivore dans laquelle je me plongeais, et je renouais avec la spiritualité. Je tombais enceinte de notre fille, je fis des stages au près de médiums reconnus. Grâce à nos enfants, ma notion de l’amour se métamorphosa et s’élargit en grand. Elle était encore bébé lorsque je te fis des vidéos remplies d’un amour transformé. Je t’expliquais combien je t’aimais, et combien je voulais nous offrir une vie différente. Plus de disputes pour des broutilles. Je ne te réclamerais plus rien. Je t’aimais comme tu étais, quoi qu’il arrive. Je ne voulais plus que tu changes. Tu étais parfait tel que tu étais. Je lâchais toutes mes attentes. Et je tins parole, c’était une vraie transformation intérieure, une sorte d’éveil. Tu n’as jamais répondu à ces vidéos. Ta seule parole fut que su l’une d’elle j’avais une tête de droguée. J’avais l’impression mordante que tu avais peu d’estime pour moi. Mais je voulais la regagner de toute mes forces.

Tu étais présent tout en étant absent…

C’était si important pour moi que tu trouves ta propre place au près de nous, que tu sois heureux, que tu t’épanouisses dans notre vie de famille. Je voulais que tu te sentes réellement libre. A la naissance de notre seconde, nous déménageâmes près de la suisse, pour que tu aies un salaire plus élevé afin que je puisse, comme je le souhaitais, m’occuper de nos enfants à la maison dans leurs premières années, et je t’en serais pour toujours reconnaissante. C’était une idée ingénieuse de ta part et j’admirais ta capacité à changer de ville rien que pour nous. Notre fils, en particulier, semblait avoir des besoins spéciaux et j’avais choisi de les écouter en le maternant plutôt que de lutter contre. Une éducation non violente était un choix si évident et important pour moi.

Mais tu étais absent. Tu ne jouais pas avec eux, ne les nourrissait pas, ne leur lisais pas d’histoire le soir, ne les veillais pas lorsqu’ils étaient malades ni ne changeais leurs draps lorsqu’ils les salissaient. Tu n’étais pas là pour aider notre fils à s’endormir lors de ses crises de terreur quotidienne au moment du coucher, lorsque chaque soir je devais faire un rituel bien précis pour l’aider. Tu ne rangeais pas leurs jouets ni la maison, n’aspirais pas le sol derrière eux, ne les emmenais pas au parc juste devant chez nous, à la piscine, en forêt ou au cinéma. Tu ne mangeais même pas avec nous, tu mangeais dans ton bureau devant ton ordinateur. L’an dernier, à l’âge de 10 ans, notre fille m’a confié qu’elle n’avait aucun souvenir de moments avec toi dans son enfance.

Les tornades émotionnelles d’enfants, c’était trop pour toi, et je me disais que c’était parce que tu étais trop immensément sensible. Je le crois toujours. Mais pour justifier ton non investissement, tu préférais me dire que c’était parce que je faisais mal les choses et qu’à ma place tu aurais fait bien autrement. Tu ne comprenais pas qu’à la fin de la journée je sois fatiguée. Lorsque je te demandais du relais, tu me disais de prendre une nounou et une femme de ménage, ou de les mettre à l’école car c’est ce que tu aurais fait. Je n’avais qu’à me débrouiller pour avoir du relais. Mais ce que je voulais c’était une famille unie dont les membres peveut compter les uns sur les autres ; j’étais seule, isolée, loin de ma famille, et je tenais trop à avoir cette éducation bienveillante, à la maison, à l’écoute de leur rythme et de leurs besoins. Tu as travaillé à 80% pendant un an, ayant un jour de congé par semaine de plus, mais il ne nous était pas dédié.

“Je me débrouillerais seule.”

Pour survivre, je décidais d’accepter la situation telle qu’elle était et de me débrouiller. Je développais mon propre réseau d’amies avec des enfants du même âge que les nôtres. Je participais à une association parents enfants où nous allions chaque matins et où nous mangions le midi. Amie avec les mères, je rencontrais tous les pères de ces enfants, ils venaient aux sorties ou aux anniversaires des uns et des autres, où toi tu ne venais jamais. Tu ne participais pas non plus aux fêtes d’anniversaire de tes propres enfants, aux chasses au trésor ou activités que je faisais pour eux. Tu soufflais les bougies, mangeais une part de gâteau et repartais. Etions-nous si invivables que notre présence t’était insupportable…? Je ne le pense pourtant pas. Notre maison accueillait presque tous les jours les enfants du voisinage, qui venaient jouer avec les nôtres. Cela devait être envahissant pour toi.

Je m’étais dis que les enfants en bas âge t’oppressaient émotionnellement, avec leurs besoins constants, leurs rires, leurs cris, leurs pleurs, leurs bazar. La maison était constamment sans dessus dessous. Tu avais tant besoin de calme et de sérénité dans ton quotidien. Après tout, tu travaillais toute la journée. Alors j’avais libéré la pièce où on avait chacun notre bureau et où il y avait ma bibliothèque de livres. Tu n’aimais pas que j’ai tant de livres. J’avais tout retiré afin que tu aies ton espace rien qu’à toi pour décompresser. J’avais revendu mon bureau, bricolé un plan de travail et une étagère surplombés d’un néon dans ma penderie, dans notre chambre, et j’y avais installé mon poste de travail. Je t’avais trouvé un canapé-lit pour te détendre.

Je commençais à faire de la radio en direct sur une chaîne belge un soir par semaine et à diffuser mes interventions sur YouTube. C’était les seules 15-20 minutes de la semaine où tu prenais seul en charge les enfants. Tu les mettais devant la télé, devant les Simpson. Un jour nous nous étions disputés juste avant mon émission et tu m’avais dis «pour la peine, je ne te garde pas les enfants pendant que tu fais ta radio !» Et tu m’avais claqué la porte de ton bureau au nez. J’avais essayé de faire mon intervention quand même, avec notre fille qui tétait en même temps, mais j’avais dû interrompre au plein milieu et m’excuser devant les auditeurs, car notre aîné s’était mis à pleurer fort. Tu ne l’a pas su mais j’étais si en colère contre toi et désemparée ce soir là…

A cette époque, un des amis de notre groupe de fac était venu habiter près de chez nous, dans l’immeuble d’à côté. Il s’investissait énormément au près de nos enfants et je le remerciais intérieurement en me disant que cela leur donnait un équilibre masculin. Il me relayait pour que je puisse faire le ménage, sortait nos poubelles, jouait avec les enfants, les emmenait souvent en forêt, au parc, faire du vélo, et même à la piscine. Il leur racontait des histoires. Il aidait notre fils à créer son premier jeu vidéo, passion que tu avais en commun avec ton enfant mais tu ne jouais pourtant jamais avec lui.

Je voulais un climat de paix

Même face à ce que je vivais comme un abandon de ta part, je ne relâchais pas ma décision de te laisser libre de vivre ta réalité telle que tu l’entendais. Je n’aurais pas eu la force de te faire des reproches et d’instaurer un climat de guerre et de réclamations vaines. C’est sans doute mon tords ; mais je ne pouvais m’y résoudre. D’une nature douce et tranquille, j’aspirais seulement à des moments de paix. Avec l’épuisement d’une jeune mère, je n’avais de toute façon pas la force de lutter. A la place, je faisais en sorte d’être là chaque jour à 16h30, l’heure où tu rentrais du travail, afin que les enfants te voient, ainsi que les weekends. Car tu étais brillant, tu avais trouvé le moyen de trouver un rythme de vie qui te permette d’être à la maison tôt tout en évitant les embouteillages, cela te permettant une longue soirée de détente à jouer aux jeux vidéos sur ton ordinateur. A chaque fois que tu rentrais, je te prenais dans mes bras, mais tes bras à toi restaient le long de ton corps. Je me penchais pour t’embrasser sur la bouche, mais tu me tendais la joue. Je prenais sur moi pour ne pas laisser mon cœur se briser. Je pouvais comprendre que tu aies des sensibilités tactiles et gustatives qui pouvaient faire que les baisers te répugnent et que le contact n’allait pas de soi. Mais surtout, j’étais convaincue qu’avec de la patience, ton cœur s’ouvrirait.

Tu nous aimais à ta façon. J’en étais convaincue et je le suis toujours. Tu étais taciturne, sans éclats de joie, mais tu étais très stable émotionnellement, tu ne déprimais jamais, jamais le moindre coup de blues. Tu pouvais être dur dans ta façon de parler ou dans tes mots, mais tu ne criais jamais. A défaut d’être un havre de tendresse, de soutien et de complicité, notre foyer était paisible. Tu semblais avoir une routine agréable ou du moins confortable. Tu avais peu de besoins. Comme moi, tu ne buvais pas d’alcool ni ne fumait quoi que ce soit ; comme moi tu étais vegan, et ta force de caractère était un soutient inestimable face aux autres. Je n’écoutais pas les gens qui me disaient que je devrais m’éloigner de toi, comme ces deux médiums différents qui me l’avaient dit à cette époque là en «sentant nos énergies». Le simple fait qu’ils parlent de toi alors qu’ils ne te connaissaient pas me mettait tellement en colère. Ils ne savaient rien de ton vécu, de ton cœur enfoui, de tes blessures, de ta vulnérabilité.

Tu vivais comme un célibataire sans enfants.

Tu étais très droit et fidèle, un vrai socle. Je te remercie et te respecte pour celà. Mais tu étais très solitaire et c’était terrible pour moi qui avait l’esprit de meute et tant besoin d’un entourage commun et riche, tant besoin de complicité, d’amis et de vivre des choses ensemble. Tu souhaitais faire du footing seul alors que j’en faisais aussi et rêvais de partager ces moments avec toi ; à la place j’en faisais parfois avec mes amis. Tu lavais uniquement ta propre lessive. Tu refusais catégoriquement de faire les courses avec nous ; tandis que tu ne me laissais pas la possibilité de te laisser les enfants pour que j’aille faire des achats seule, je faisais donc toujours les courses sans toi et avec eux en poussette et porte bébé. Tu vivais comme un célibataire au sein d’un foyer qui te tendait les bras. Les seuls moments de réelle proximité étaient les 5 semaines de vacances que tu avais par an, et seulement si nous voyagions. C’était les moments que je préférais dans l’année, je les chérissais plus que tout.

Je ne te reprochais rien, je ne te disais jamais que tu n’étais pas assez bien ou que tu ne faisais pas les choses de la bonne façon. Je n’ai jamais pensé tout ça. J’étais sûre que si tu t’investissais, tu le ferais comme il faut. Car tu étais brillant. Tu me fascinais. Tu étais toujours bien habillé, propre, soigné et sentant bon. Je te trouvais si beau. Tes gestes étaient mesurés, même ta conduite en voiture était parfaite, sécurisante. Ta voix était belle lorsque tu chantais. Et surtout, tu étais doué en tant de choses. Tu avais eu le bac avec mention sans forcer, tu étais sorti major de ta promo, tu étais sollicité par plein de boîtes pour tes compétences malgré ton jeune âge… Souvent je me disais que tu étais surdoué. Dans les carricatures, le surdoué est celui qui a un quotient intellectuel élevé et en contre partie un quotient émotionnel faible, et ça semblait bien te correspondre… Tu t’informais toujours à fond sur les sujets qui t’intéressaient. Si j’avais besoin d’un avis sur l’actualité, les nouvelles technologies, la politique, les lois… je pouvais être sûre que tu en aurais un pertinent. Tu aimais me parler de tout ce qui t’intéressais et je buvais toujours tes paroles. Mais lorsque c’était moi qui parlais de mes sujets de prédilections, tu ne manifestais pas d’intérêt d’une façon que je puisse percevoir, tu ne me regardais souvent pas dans les yeux et il arrivait fréquemment que tu ne répondes pas ou que tu partes de la pièce pendant que je parle, même si c’était au ralenti pour me laisser finir. Cela me faisait me sentir peu intéressante et peu estimée. Obsédé par la démarche scientifique et ses règles, tu me trouvais naïve de m’intéresser à la spiritualité et à l’ésotérisme. Tu ne comprenais pas non plus mon intérêt pour l’alimentation vivante et on ne pouvait tout simplement pas en parler. Ta façon de voir les choses m’as permise de développer un véritable esprit critique à l’intérieur de moi, de toujours m’informer mieux. Mais nos discussions étaient stériles alors que j’étais assoiffée de discussions riches, profondes et nourrissantes où chacun écouterait l’autre avec respect et intérêt. J’avais l’impression que tes besoins étaient su forts que ne pouvais faire autrement que de les faire passer avant nous.

Je me rappelle de ce jour où je faisais du footing dans le parc devant notre appartement. J’avais laissé les enfants dans l’aire de jeu, et notre ami de fac courrait avec moi, tout en faisant des pauses pour amuser les enfants afin que je puisse avoir du temps pour moi et terminer mon footing en paix. A un moment, je l’avais vu au loin accompagner notre fille jusqu’à notre porte. Quelques minutes plus tard, tu m’avais appelée au téléphone, pendant que je courrais encore, pour m’engueuler en me disant que notre fille avait fait ses besoins et que je n’étais pas là, que j’avais fait exprès de te mettre dans cette situation, qu’il fallait que je vienne immédiatement l’essuyer. Je t’avais expliqué calmement que je n’étais pas au courant et que je viendrais uniquement quand j’aurais terminé de courir. Ce que j’avais fait. Ta sensibilité était vraiment dure à gérer, pour toi comme pour moi.

Lorsque nous jouions à des jeux de société ou des jeux vidéos avec nos amis, tu étais très attaché aux règles et tu guidais facilement les parties. Tu étais toujours le plus doué, quelque soit le jeu vidéo. Mais tu jouais surtout en solo. Si tu lançais une partie, tout le monde te rejoignait. Or si quelqu’un d’autre le faisait, tu ne venais pas forcément. Les horaires et les routines étaient très importantes pour toi. Tu ne déborderais pas sur une horaire juste pour rester dans un jeu entre amis. Tu te couchais tôt. Ca avait un côté impressionnant et respectable. Mais aussi difficile car j’en ressentais un manque de souplesse : je passais toujours après tes besoins.

Lorsque j’étouffais, je ne pouvais pas en parler.

Tu ne supportais pas que je parle de nous à d’autres, tu le vivais comme une trahison. Tu méprisais ouvertement ce besoin que tu voyais chez moi d’aller «me décharger de mes problèmes en me plaignant à autrui». Je l’avais pourtant si rarement fait, et même derrière ton dos, je ne t’ai jamais témoigné de mépris ; même dans les difficultés je te trouvais toujours des excuses. Un jour j’avais voulu m’ouvrir de nos difficultés à notre voisin et ami de fac, par email, mais celui-ci avait répondu qu’il n’était pas confortable de parler de notre couple avec moi et j’avais laissé tomber. En allant dans ma boite email tu avais trouvé notre échange et m’en avait tellement voulu, m’accusant de me plaindre de toi à tout le monde.

Mais il faut que tu comprennes que je me sentais seule et désemparée. J’avais besoin d’aide. Notre couple avait besoin d’aide et tandis que tu refusais toute communication, je ne savais pas vers qui me tourner pour reprendre de la force. Ton attitude me poussais parfois dans des situations où je ne pouvais pas camoufler les choses, comme cette fois où une amie m’avait amenée passer l’après midi chez elle avec nos enfants mais ne pouvait pas nous ramener à cause d’un imprévu de dernière minute. Sans voiture je ne pouvais plus rentrer, je t’avais appelé puisque tu revenais du travail à cette heure là, et tu avais refusé de venir nous chercher les enfants et moi, en me disant avec mauvaise humeur de me débrouiller car tu n’allais pas endurer des bouchons pour venir nous chercher. Devant tant de dureté, tant d’abandon de tes enfants, je n’avais pas pu m’empêcher de fondre en larme après avoir raccroché. Je me sentais comme une enfant pourrie gâtée à laquelle on refusait un caprice pour la remettre à sa place. Mon amie m’avait aidé à trouver un trajet de bus, et le temps que je m’organise et que je sorte tu étais arrivé sans prévenir, tu nous avais pris et tu ne m’avais pas adressé la parole jusqu’à notre retour… ni même après.

Je me rappelle aussi ma gène la fois où mes nouvelles amies étaient chez nous et où elles avaient réalisé, en te voyant rentrer du travail, dire bonjour de loin puis partir dans ton bureau, que notre ami de fac, présent dans la pièce à discuter avec nous, n’était pas le père de mes enfants mais que c’était toi. Tu n’as jamais voulu connaître mes amies et être présent lorsqu’elles étaient là. Nos amis étaient ton groupe d’amis de fac à toi.

Tu vivais dans ta bulle. Un soir, j’étais malade, j’avais de la fièvre, et j’avais quand même pris le temps de nourrir nos enfants (quoi qu’il nous arrive, ils sont dépendant et on ne peut pas les mettre de côté), il était tard, un peu à bout, je gérais une crise de larme de notre fille depuis une bonne heure tandis que tu étais enfermé dans ton bureau. Tu es entré dans la pièce en râlant à propos d’une chose, puis tu avais enchaîné avec un reproche envers moi. J’avais perdu patience en osant te dire que j’avais plus important à gérer. Et c’était parti dans une dispute. Tu m’avais tant poussée à bout qu’après une insulte que j’avais trouvé choquante je t’avais giflé. C’est la seule et unique fois que cela m’est arrivé. J’avais un fort eczéma sur les mains à cette époque là, et cela me créait des plaies qui saignaient. Découvrant mes mains et pensant que je t’avais frappé si fort que je m’en étais blessé, tu m’as attrapé par la main pour me traîner devant les enfants en leur disant de voir ce que faisait leur mère. Je m’étais sentie tellement coupable, je m’étais tirée en arrière car pour moi c’était impensable de mêler nos enfants à la moindre dispute. Je faisais toujours en sorte que nous ne nous disputions pas devant eux. J’étais partie m’isoler dans ma chambre, en larme et choquée, tu m’avais dit de réfléchir à mon comportement et que ça ne pouvais plus durer comme ça. Qu’il fallait que je sois moins épuisée, que je change mes méthode éducatives qui, comme tu t’y attendais, ne fonctionnaient visiblement pas au vu mon épuisement.

J’ai compris avec le temps que lorsqu’on nous amène à nos limites, nous explosons fort et cela nous retombe malheureusement dessus.

La puissance des mots

Je suis convaincue que dans ton cœur tout n’était pas noir, mais ce qui sortait de ta bouche n’était jamais rose. Je ne t’ai jamais entendu prononcer les mots «excuse-moi» ni «je t’aime». Je n’avais pas le droit au moindre compliment. En revanche tu me critiquais facilement. Ce n’était sans doute pas pour me faire du mal, mais pour m’aider ; tu disais les critiques bien plus constructives que les compliments. Tu as failli me décourager lorsque j’ai écris mon premier livre. Tu disais que je n’avais pas les compétences. C’était vrai. Mais j’écrivais sans prétention, juste pour partager ma passion. Si bien que je ne t’ai pas noté dans la page de remerciements, non pas par vengeance, je n’ai pas cet esprit là, mais simplement parce que je ne pouvais pas t’en faire. Ce n’est que lorsque ce premier livre est sorti et qu’un de tes collègues te l’a fait remarquer que je t’ai expliqué pourquoi tu n’y étais pas. Pour le second, tu as alors accepté de faire la relecture et j’en ai été si contente.

Tu n’as jamais écouté mes émissions de radio. Tu n’as pas non plus suivi une seule de mes conférences en direct lorsque je travaillais pour un autre média. Tu ne regardais pas mes vidéos YouTube et tu refusais de m’aider à faire des montages lorsque je te le demandais, alors que tu étais doué en ça. Tu étais doué en tant de choses. Tu aimais faire des montages vidéos, nous filmer pour expérimenter des effets spéciaux pour toi même, mais tu refusais lorsque c’était moi qui proposais que l’on fasse des choses ensemble ou lorsque je proposais des idées. Pourtant j’étais youtubeuse et j’aurais tellement aimé que l’on fasse des choses ensemble. Tu n’encourageais pas mes deux sites internet. Tu ne t’es pas non plus intéressé à mes livres suivants dédiés à l’instruction en famille. Tu n’as jamais laissé de commentaires sous mes publications ou manifesté publiquement ni de façon privée la moindre phrase de soutien envers moi. C’est la reconnaissance que j’ai acquis peu à peu au près de ma communauté qui m’a aidée a tenir le cap.

Je me suis construite par opposition. Face au rejet et à l’image que tu me renvoyais de moi-même, j’ai dû trouver mes repères seule et développer une confiance en moi par mes propres moyens. Même pour cela je t’en remercie, car involontairement tu m’as appris à croire en moi par moi-même.

Pourtant, je reste convaincue qu’il n’y a rien de plus nourrissant que des mots d’amour et de soutien, des blagues qui n’appartiennent qu’à nous, des jeux de complicité entre deux personne. C’est ce que j’aurais tant voulu entre nous. Qu’on se tire mutuellement vers le haut dans la joie et l’affection.

Autisme ?…

Peut-être qu’en me lisant on peut se demander pourquoi je suis restée avec toi si longtemps. Mais tu vois, je sentais que tout cela n’était que la surface.

Un jour, en regardant par hasard un film d’amour, j’avais ouvert une porte en moi qui m’avait reconnectée avec ma sensibilité amoureuse et j’avais versé toutes les larmes de mon corps en constatant a quel point j’avais dû mettre cette facette de moi de côté, et combien elle me manquait. J’avais alors enchaîné sur une période où je ne faisais que regarder des séries d’amour coréennes, dans cette culture où les gens sont froid affectivement, ne se touchent pas, et où la tension amoureuse est palpable. Je me disais que d’une façon inexplicable et peut-être tordue, comme eux, tu avais ta façon à toi de nous aimer et qu’elle était simplement très différente de la mienne. Dans une de ces série, la chanson de générique m’avait émue et je l’écoutais en boucle en pensant à toi : I could give you love if you let me in. «Je pourrais te donner de l’amour si tu me laissais entrer (dans ton coeur)».

A cette période là, aux 8 ans de notre fils, j’ai découvert en le voyant avec son cousin du même âge qu’ils avaient des comportements très particuliers mais étrangement similaires. Comme ton frère aîné était autiste, j’ai fait des recherches et j’ai découvert la facette génétique de l’autisme et que des traits autistiques pouvaient expliquer leurs particularités. Tu ne m’as pas soutenue. Tu estimais que c’était mon éducation trop maternante qui l’avait rendu bizarre, mal élevé, capricieux. J’ai pris sur mon argent pour faire des démarches sur de longs mois à Paris, Lyon et dans notre coin près de la suisse afin de faire dépister le trouble de notre enfant au près de nombreux spécialistes. Tu m’as laissé me débrouiller et ne m’as accompagné que le jour du verdict. Notre fils était bel et bien atteint de troubles autistiques…

Ces découvertes ont été faites juste avant notre emménagement dans la maison que nous avons fait construire, il y a un peu plus de 4 ans. A ce moment là je me suis effondrée, me disant que tu devais être atteint du même syndrome, et que, donc, ça n’évoluerait jamais, je ne parviendrais jamais à entrer dans ta bulle et à toucher ton cœur, quoi que je fasse. Cela expliquait ton attitude si spéciale, si peu encline au contact physique, tant dans la négativité, avec tant de sensibilités alimentaires ou physiques. Mais ça ne justifiait pas ton rejet et ton attitude envers moi.

Tu te rappelle, le jour où le chat a fait ses besoins dans notre nouveau lit ? C’était un samedi. On était rentrés d’une sortie en famille, et tu as sentir une odeur désagréable, Tu disais que ça sentait les égouts. Tu ne savais pas d’où ça venait alors tu as dit que ce devait venir de moi et que je devrais me laver. Il arrivait parfois que tu ne supporte pas mon odeur et je souhaitais t’aider. Pour que tu te sente bien, je suis allée me laver. L’odeur persistant, tu as découvert qu’elle venait de notre lit, et ça t’a rendu hystérique en voyant les excréments du chat. Tu t’es enfui à l’étage, en disant qu’il fallait bruler les draps. Je t’ai dit que non, il ne fallait pas que tu t’en fasses, j’allais nettoyer. Avec des gants, j’ai évacué les excréments et retiré les draps, mais tu as refusé que je les mette dans notre machine à laver. Je t’ai dis d’accord et j’ai mis les draps, la couette et sa housse dans des sacs pour aller les laver à la laverie le lendemain. Tu as dis que quoi que je fasse de toute façon tu ne dormirais plus jamais dans ces draps et tu es allé le soir même racheter la même parure à carrefour. Malgré que j’ai nettoyé le lit, changé les draps et aéré la chambre, tu as refusé de dormir dans notre lit cette nuit là et tu as dormi sur le canapé du salon. Cet évènement a renforcé ma vision de toi : je comprenais pourquoi il t’avait été si impossible d’essuyer les fesses de tes propres enfants ou de changer leurs couches ; ou même pourquoi tu n’aimais pas m’embrasser ou étais si difficile gustativement, me disant fréquemment que mes plats n’étaient pas bons. Ta sensibilité était extrême. J’aurais tant aimé t’aider ; le problème, c’est qu’au lieu de l’assumer et d’apprivoiser ta sensibilité, tu rejetais la faute sur ceux qui t’entouraient. Pour caricaturer, c’était comme ci tu disais : «ce n’est pas moi qui suis hypersensible aux odeurs, ce sont les autres qui puent».

Dans les jours qui ont suivi je suis sortie avec les enfants, en ayant laissé le chat à l’intérieur. Tu m’as réprimandée de l’avoir laissé dedans après ce qui s’était passé. Je t’ai dit que j’avais laissé la porte du cellier, donnant sur le garage (contenant la litière du chat) ouverte afin d’éviter ça. Tu m’as rétorqué qu’on voyait bien que ce n’était pas moi qui payait l’électricité, pour avoir laissé cette porte ouverte. Je t’ai montré que je l’avais à peine entrouverte et que j’avais mis un poids devant pour éviter qu’elle ne s’ouvre plus… Mais en effet, je ne gagnais pas d’argent. J’en suis désolée, je ne souhaitais pas être un poids pour toi ; j’estimais que je fais beaucoup de choses et que je n’étais pas de ces filles qui abusent et se prélassent.

J’étais trop dépendante.

Tu estimais que je gérais mal mon argent alors tu m’en donnais une somme réduite que je devais dépenser pour toutes les courses alimentaires et les sorties avec nos enfants. C’est vrai que j’avais du mal à le gérer, j’avais l’impression de vivre comme une pauvre alors que nous gagnions bien notre vie.

J’ai eu mon permis a 18 ans, mais j’avais de grosses difficultés à conduire car les voitures me terrorisaient. Je te demande pardon de ne pas avoir pu être un relai pour toi lors de nos long voyages. Nous vivions dans une petite ville où je pouvais tout faire à pieds, les courses, les sorties, les balades, voir les amis ; je voulais toujours me débrouiller pour ne pas être un poids ; qu’il fasse chaud ou qu’il neige je faisais tout à pieds, je te demandais rarement de nous conduire quelque part. Puis un jour grâce à une amie, j’ai décidé de prendre mon courage à deux mains et de réapprendre. Tu m’as payé des cours. Mais je n’aimais pas conduire lorsque tu étais dans la voiture car tu critiquais tous mes gestes. Une fois, je n’arrivais pas à me garer sur notre place de parking et tu étais dur avec moi devant nos enfants assis à l’arrière. Je refusais qu’ils te voient me traiter ainsi, alors je t’ai dit que si tu estimais que je faisais si mal les choses, tu n’avais qu’à la garer toi-même, tout simplement. Tu l’as garée puis tu m’as lancé mon sac à la figure en me disant que j’allais devoir te rembourser tous les cours de conduite que tu avais payé pour moi. Tu savais que je ne pouvais pas.

Je ne me sentais jamais à la hauteur.

A notre emménagement, l’ami de notre groupe qui m’avait dit des années auparavant que tu me faisais de la violence psychologique était passé nous voir avec notre ami voisin. On lui avait montré la maison, le jardin. Je voulais y faire un verger et un potager, et tu le savais, c’était un de mes grands rêves de vie. J’avais expliqué mes projets devant cet ami et tu m’avais coupée, disant que je ne ferais rien du tout car j’étais incapable d’entretenir proprement les choses. Gênée devant nos amis, j’avais essayé de désamorcer la discussion par l’humour, mais tu m’avais regardé froidement en me disant à voix basse et dure que je n’allais pas faire une scène devant tout le monde. Mais moi j’étais une fille si paisible. Jamais je ne faisais de scène… Devant ton attitude, cet ami m’avait dit plus tard en privé qu’il était déçu que nous soyons toujours dans la même situation toi et moi et que ton attitude était toujours la même.

Je pouvais comprendre que le désordre soit une grosse source de stress pour toi. Pour que tu trouves mon potager à ton goût, je te proposais un compromis que tu acceptas : je ferais de jolis bacs de permaculture, et mes arbres fruitiers seraient petits et en bordure de terrain pour former une haie. J’étais fière de notre jardin. Malin comme tu l’étais, tu avais trouvé une tondeuse automatique, et je n’avais plus à tondre l’herbe de notre terrain.

Lorsque je faisais les achats dont nous avions besoin pour notre nouvelle maison, je pensais toujours à toi. Je prenais les couleurs qui semblaient te plaire (ainsi, nous avions tout en gris et en noir alors que j’aurais préféré du blanc, du bois et des couleurs), à la texture et au maillage des rideaux pour qu’ils soient agréable au toucher pour toi (je savais que tu n’aimais pas les matières naturelles un peu rugueuses comme le lin), aux anneaux qui coulisseraient facilement et d’un bruit agréable. Je pensais à la matière du tapis, qui soit sans peluches, nettoyable facilement, pour répondre à ce que je savais être important pour toi. Mais tu manifestais toujours du mécontentement. Il y n’y avait jamais de remarque positive ni de remerciement, par contre il y avait toujours une petite critique a faire sur ce que je choisissais. Certaines personnes ont toujours un petit mot valorisant ou encourageant à vous donner lorsque vous les fréquentez, mais avant de te connaître j’ignorais que l’inverse pouvait aussi exister.

Pour tes anniversaires, je n’ai jamais réussi à te faire une surprise qui te plaise. Une fois je t’avais offert un télescope dernier cri, à toi qui était fana d’astronomie. Tu ne m’avais pas remerciée. Tu avais fait la tête devant cet objet qui allait «encombrer notre maison». Tu ne l’utilisas pas, c’est moi qui m’en servit avec nos enfants et ceux du quartier. Une autre fois je t’avais offert une slackline pour nous créer une activité sportive à faire ensemble. Tu m’as dit que tu n’en ferais jamais. Je crois que le pire a été le jour où j’ai voulu t’offrir un cadeau romantique. Les enfants n’étaient pas encore nés à cette époque là. Je t’avais organisé un anniversaire surprise, nos amis de fac et du tchad devaient investir l’appartement et gonfler des ballons pendant que toi et moi allions au restaurant. Je m’étais pomponnée, j’avais été chez le coiffeur, je portais une jolie robe. Je t’avais écris un poème sur une feuille, que j’avais soigneusement décorée avec des papiers colorés. Je te l’avais lu et je t’avais offert un anneau en argent, il y en avait un pour toi et un pour moi. Oh ce n’était pas une demande en mariage, juste un geste très romantique, un objet pour nous relier l’un à l’autre. Tu tétais fâché. Tu m’avais dit qu’on n’offre pas ce genre de chose à un anniversaire, et je m’étais sentie si bête et si déçue de ta réaction à la fois. Tu avais refusé d’y toucher. Tu n’avais pas souri en lisant le poème et tu n’avais pas voulu le conserver dans tes affaires. Lorsque nous étions arrivés à l’appartement, mon cœur était lourd. J’avais laissé nos amis te surprendre et parler avec toi et j’étais aller pleurer un bon coup dans notre chambre. Puis je m’étais reprise et j’étais revenue au salon comme si de rien était pour faire la fête. Le lendemain, j’étais allée t’acheter une nouvelle console de jeu en excuse. Tu avais semblé content. J’ai toujours les bagues dans mon coffre à bijoux.

La seule chose que je t’offre à présent c’est du chocolat blanc ou des habits basiques si tu en as besoin, car je sais que ça, tu apprécieras.

A chaque vacances scolaires je partais voir ma famille avec nos enfants. Tu ne m’écrivais jamais que je te manquais. Ni bonjour ou bonsoir. Nous ne nous parlions que pour des choses pratiques. Avec les années, j’arrêtais d’espérer ; je me disais que le romantisme et la complicité ce n’était tout simplement pas toi.

Je me suis brisée.

Puis il y a eu ce jour du 14 juillet 2018. La mairie avait organisé, comme tous les ans, une grande fête dans le parc devant notre appartement, la semaine avant notre déménagement. Comme à chaque évènement, nous étions sortis les enfants et moi, nous avions retrouvé amis, petits voisins, et aussi notre ami de fac. Comme à chaque sortie, tu n’étais pas là, tu avais refusé de venir malgré que j’ai insisté d’un ton enjoué. «Alleeez, viens !»… La fête battait son plein. Notre ami était en train de faire tournoyer nos enfants, hilares, dans ses bras au son de la musique. En les regardant, je me suis brisée. J’ai décidé que ce n’était plus possible. Pas une fois de plus, une solitude de plus, il fallait que ça cesse, par n’importe quel moyen. C’était difficile, car j’avais une admiration immense pour toi. Je te mettais sur un tel piédestal, alors que je ne recevais rien en retour, c’était dur de parvenir à changer les choses.

Mais je n’en pouvais plus. Il me fallut deux ou trois mois et une énorme dispute où tu ridiculisais ma passion pour l’alimentation vivante en disant une fois de plus que je n’étais pas bien dans ma tête…  pour qu’enfin j’ose revenir vers toi après coup et prononcer les mots «Je veux qu’on se sépare». Tu m’as traitée de folle, tu as ricané, dit que je n’avais aucune lucidité. Il y a des choses qu’on dit lorsqu’on est en colère ou énervé et qu’on regrette après. Je n’ai jamais eu cette impression. Tu me disais simplement ce que tu pensais de moi, comme tu le faisais le reste du temps, et tu ne démentais jamais tes propos ni ne t’excusais de les avoir eu après coup.

Cette période là était très dure avec les enfants, le diagnostique de notre fils, le déménagement, l’éloignement de leurs amis… Ils enchainaient les crises. J’avais décidé d’inscrire Shani à mi-temps dans une école alternative pour l’aider à tisser un nouveau réseau d’amis… Je déprimais clairement. Je comprenais ces mères à bout qui en viennent à faire des bêtises. J’avais un tel poids sur le cœur, j’avais l’impression de dépérir de solitude. Il m’est arrivé, après le cours de yoga que je prenais le mardi, de n’avoir tellement pas envie de rentrer chez moi que je me mettais à errer sans but dans les rues, espérant n’importe quelle confrontation, une agression, afin qu’il m’arrive enfin quelque chose de grave qui puisse me donner le droit de souffrir.

Il y eu bien un évènement. Un soir, j’avais accompagné une de mes amies a une soirée pour me changer les idées. On m’avait proposé de la drogue cachée dans un cookie, sans me dire que s’en était ; par chance, étant végan, je refusais toujours les aliments inconnus. Puis on m’avait proposé de ramener chez lui un homme saoul (qui avait également mangé un de ces cookies) que je connaissais à peine. Dépassé par la boisson, il avait posé ses mains sur moi pendant que je conduisais. Je l’avais repoussé puis conduit jusqu’à chez lui en état de stress. Il était descendu de ma voiture et avait essayé de m’empêcher de repartir, se mettant en travers de ma route, ouvrant ma portière, me tirant par le bras (par précaution, je n’avais pas défait ma ceinture), posant son téléphone sur mes genoux, et il s’était penché pour m’embrasser sur la bouche. Après l’avoir repoussé une énième fois, j’avais quitté les lieux. Cet évènement avait rendu mon amie furax ainsi que les autres personnes présentes à la soirée. Je t’en avais parlé. La seule chose que tu avais dit était «comment ça se fait qu’il ai pu t’embrasser ?»

La première séance de thérapie

Lorsque j’avais proposé la séparation, tu avais réfléchi, et tu m’avais dis qu’il y avait la maison et les enfants et que c’était compliqué, alors que nous devrions faire une thérapie. J’avais été très surprise par cette proposition, que j’avais trouvé positive. Tu n’avais pas mis dans la balance le fait que tu tenais à moi, bien sûr. Mais c’était tout de même un grand geste envers moi. J’étais arrivée au point de rupture alors je n’étais pas convaincue que ça sauverais notre couple, mais tu étais le père de mes enfants ; le plus important pour moi était que tu voies un thérapeute et qu’il puisse t’aider. Alors j’avais accepté.

Tu étais très attaché aux règles, aux diplômes. Il était important pour toi qu’elle ai les bonnes qualifications, sérieuses et reconnues par l’état. Tu avais cherché et choisi une psychologue qui te convenait. Elle nous avait d’abord pris séparément. Toi en premier ; tu y étais allé et avait parlé pendant 2 heures. J’étais heureuse et soulagée que tu puisses enfin t’exprimer au près de quelqu’un. La semaine suivante, c’était à mon tour. J’exposais à la thérapeute toute ma vision de toi. Mon amour pour toi. Ton côté hypersensible, le comportement de rejet que ça te faisait avoir. L’écart entre ta douance et ton émotionnel, qui était peut-être dû à des traits autistiques, et comment je m’étais effondrée en le découvrant suite au dépistage de notre fils. Je pouvais accepter beaucoup de toi, si seulement tu étais en paix avec ça, si seulement tu me laissais entrer dans ta bulle et ne me rejetais pas.

A la fin de ma séance, après nous avoir donc vu tous les deux plusieurs heure chacun en privé, elle me confia qu’en effet, elle sentait que tu avais un problème. Ta séance à toi s’était apparemment limitée à critiquer tout ce que j’étais. Cependant, la psychologue partait en déplacement à l’étranger et ne pouvait pas nous reprendre avant 3 mois. La maltraitance psychologique continuait et ma détresse, à ce stade là, était trop importante.

Effondrée, j’avais l’impression de ne plus rien ressentir. J’ai alors pris une décision super difficile, et probablement mauvaise, mais sans laquelle je n’aurais pas survécu : laisser un autre homme entrer dans ma vie, et je te demande pardon pour ça.