Tromper pour survivre ?

Je regrette de n’avoir pas su faire autrement. De ne pas avoir eu la force mentale à ce moment là de tout simplement prendre les enfants sous le bras et partir.

Je suis une personne très entière en amitié comme en amour. Qui donne sans compter, qui a une résilience énorme et qui prends le temps de se ressourcer et de réfléchir à chaque difficulté pour passer au dessus et avancer avec sérénité. Mais pour une fois, j’atteignais mes limites ; je ressentais au fond de moi qu’il fallait que j’arrête ce schéma qui finalement ne faisait que me maintenir dans un couple stérile. J’avais besoin d’agir de manière égoïste, de me couper de ma compassion envers lui, pour parvenir à me détacher de l’emprise qu’il avait sur moi et retrouver mon indépendance. J’avais conscience qu’après 17 années de vie commune, l’habitude créée une forme d’enlisement, d’attachement à une situation, même lorsqu’elle est néfaste. Et j’étais piégée par mon admiration pour lui et toutes les qualités que je savais voir en lui indépendamment de l’état de notre relation.

Pour m’en sortir, j’avais besoin de comprendre, ou plutôt de prendre conscience par l’expérience de ce qui me manquait. D’à quel point ça me manquait et d’à quel point ça pouvait être différent dans une autre situation avec une autre personne. Pour vivre un électrochoc, ouvrir les yeux et amorcer une libération.

Je suis assez garçon manqué. De ce fait, la majorité de mes amis sont des garçons. Mais je n’avais jamais de rapports ambigus avec eux.

Je choisi consciemment de flirter avec un ancien petit ami qui vivait en union libre, à 500km de chez moi, et qui était ouvert à renouer avec moi, son amour d’enfance. Je n’aurais pas pu prendre une personne au hasard, j’avais trop besoin de sécurité dans ma démarche afin de ne pas me brûler les ailes et d’ajouter un échec à la liste de mes souffrances actuelles. Nous étions très différents et nous n’aurions su former un couple qui m’aurait apporté ce dont j’avais besoin, c’est aussi ce qui me sécurisait car en conséquence il n’y avait pas d’attente ni de pression. Cependant, nous avions une véritable complicité l’un avec l’autre et énormément d’humour et de tendresse. Nous pouvions compter l’un sur l’autre, et l’affection stable et constante qu’il me donna agit réellement comme une bouteille d’oxygène. Je n’en revenais pas de pouvoir avoir une vraie place dans la vie d’un homme. Il était toujours heureux de communiquer avec moi, fier de parler de moi à ses amis. Il avait envie de passer du temps avec moi en jouant à des jeux vidéos ensemble, en regardant des films sur internet tout en s’appelant au téléphone. Ce fut un vrai baume pour mon estime de moi-même et je lui en suis jusqu’à ce jour infiniment reconnaissante. Sa vision de moi pleine de beauté m’aida à ancrer ma personnalité et à assumer pleinement certaines parts de mon être. Cela me libéra de la honte que m’infligeait mon mariage pour avoir tout simplement des envies affectives. Mais il y avait une corde à l’intérieur de moi, qui n’arrivait pas à être totalement touchée, comme ci mes émotions étaient anesthésiées.

Je ne le vis réellement, en face, que deux fois, au bout d’une poignée de mois. La seconde fois, mon mari le découvrit.

Les semaines suivantes furent rudes. J’assumais totalement mon incartade, pour tout vous dire, j’en ai honte et j’en suis désolée mais je n’avais pas vraiment de remord tant cette expérience avait été bénéfique pour moi. J’étais prête au divorce, même si j’étais secouée par la violence de la réaction de mon mari, qui se montrait impitoyable avec moi. Lui qui passait son temps à me rejeter, j’étais surprise qu’il m’en veuille de partir, me disant qu’il se foutait un peu de moi… Les compliments n’avaient jamais existé venant de lui, or les insultes étaient visiblement plus spontanées. Mais ça ne faisait qu’effleurer une partie de moi qui était toujours trop en état de choc pour ressentir quoi que ce soit.

Un renouveau ?

Cependant, à quelque chose malheur est bon. Tout à coup, il décida que puisque nous nous séparions, il devait s’occuper des enfants. J’avais du mal à comprendre : pourquoi attendre le divorce, pourquoi ne pas s’en occuper aussi lorsque nous étions mariés…? Pour la première fois, je le vis jouer avec sa fille aux poupées, jouer avec son fils aux jeux vidéos (malgré qu’ils partagent la même passion pour ces jeux virtuels, ils n’avaient jamais joué ensemble), les emmener tous les deux au cinéma. Nous venions de déménager dans une maison non loin de notre ancien appartement, et lorsqu’il amena les enfants au parc, mon ancienne voisine, qui ne l’y avait jamais vu, s’inquiéta et me demanda j’avais un problème.

Puis, un jour, je lui envoyais le livre audio “Les mots sont des fenêtres”, de Marchal Rosenberg, le fameux initiateur de la communication non violente. Ce livre lui fit comme une illumination. Il le réécouta 8 fois de suite. Il me dit qu’il avait enfin compris ce qui n’allait pas entre nous et comment communiquer. Il alla jusqu’à me remercier pour avoir éduqué nos enfants avec tant de non violence tandis que lui n’en était pas capable. Sidérée, j’accueilli ses efforts et sa volonté nouvelle de progresser dans ce domaine. Nous arrêtâmes la procédure de divorce. Nous nous laissâmes une seconde chance. Car malgré mon aventure et ce que ça avait changé en moi, je n’arrivais pas à ne pas l’admirer.

Je me retrouvais alors à nouveau prisonnière d’une situation insatisfaisante, où je communiquais encore parfois, plus ou moins ouvertement, avec mon ex-amant ; et où mon mari faisait des expériences de communication avec moi. Le comparatif entre les deux me permettait de ne pas perdre de vue la réalité.

Parce que dans la routine du quotidien, on replonge facilement et sournoisement dans un schéma toxique sans même s’en rendre compte, j’en avais très conscience et j’avais peur de ça. J’avais besoin du rappel constant, via l’attitude de mon ancien amant envers moi, de ce à quoi j’avais le droit d’attendre en terme de complicité et de gentillesse, dans une relation normale. Comme une piqûre de rappel afin de me protéger et de ne plus tomber aussi bas que je l’avais été psychologiquement.

Mais bien sûr, même si les deux situations se complétaient, aucune des deux relations ne me satisfaisait.

Nouvel échec

Ce qui arriva rapidement, ce fut un fonctionnement où à chaque fois que j’essayais de communiquer avec mon mari, je me faisais gronder pour ne pas utiliser les bonnes formulations et la bonne démarche établie par le livre sur la communication non violente. Je dû même me référer à des listes de mots que j’avais le “droit” d’utiliser ou non, où aller voir la définition dans le dictionnaire de nombreux mots suite à sa demande afin de ne pas me tromper pour utiliser les bons quand je communiquais avec lui.

La situation redevint toxique.

C’était inexplicable pour moi qu’il ne se détache pas de la méthode pour lever un peu les yeux et me voir dans mon ensemble, voir ma personnalité, mes intentions, moi qui me sentais pourtant si pacifiste, pleine de bonne intentions et dont la communication était très spontanée.

Toute notre vie, il avait dit et redit ne pas aimer devoir tout le temps prendre des pincettes pour parler avec les gens et réfléchir à la “façon” de dire les choses, estimant que c’était une limitation que de ne pas pouvoir entendre les choses de façon brute. Et j’étais capable de le comprendre, de voir le fonctionnement à tendance autistique dans cette mentalité, qui pouvait être respecté pour ce qu’il était. Mais dès qu’il s’agissait de moi, il estimait que je ne m’exprimais jamais assez bien lorsque je m’adressais à lui, ni de la bonne façon, et nos disputes étaient ma faute. Ma volonté trop grande de le comprendre et de lui accorder sa place se retournait contre moi quoi que je fasse.

Nos discussions étaient, à mes yeux, surréalistes, pouvant durer des heures sans avoir de réel contenu. Nous tournions en boucle autour d’un sujet sans parvenir à se comprendre et il ne lâchait pas prise, comme un pitbull, ne me cédant rien. Au bout d’un temps je ne savais même plus de quoi on parlait et où la discussion était sensée mener, où il voulait en venir. Cela finissait par me rendre folle, j’étais obligée de lui dire “stop” pour que ça s’arrête… et comme il ne voulait jamais arrêter, je me retrouvais à finir par quitter la pièce où à mettre ma tête sous un coussin pour ne plus l’entendre. Et je me prenais dans la figure que si ça n’avançait pas c’était parce que je fuyais.

A peu près jamais dans notre parcours, à l’exception des premiers mois de notre relation, nous n’eûmes de discussion commune qui fasse du bien ni même qui se finissent bien. Le mieux était du neutre. Et chaque fois je prenais le temps de me calmer, de relativiser puis de lui ouvrir les bras dans le quotidien pour passer des moments de paix. Je prenais chacun de ses sourire comme un encouragement. Chaque fois qu’il revenait vers moi pour me parler de ses passions ou de ses nouvelles découvertes, je l’accueillais en me disant que c’était positif et que la discussion était agréable, donc constructive pour notre relation. Je mis des années à me rendre compte qu’il ne voyait pas les choses ainsi…

A vrai dire, je n’ouvris totalement les yeux que lors de notre seconde thérapie.